2016. Les couleurs du jardin
De cruelles dégradations

"C'est ma grand-mère paternelle et marraine, Julienne Argacha,
qui avait été le modèle de la Femme au puits sculptée en 1913
par l'artiste béarnais Ernest Gabard. Ce qu'elle avait toujours
caché à sa famille et qui n'a été révélé à mon père que le jour
de la mort de sa mère, par une amie de jeunesse de Julienne.

En raison du divorce de mes parents, je n'ai pas beaucoup
fréquenté cette aïeule, que j'appelais Marraine.
Peu de temps après sa disparition, j'ai quitté Pau.
Mais à chacun de mes retours, j'allais rendre visite
au gracieux fantôme de marbre dans le visage duquel
je retrouvais, avec les traits de ma grand-mère Marraine,
le sourire de mon père, lui aussi disparu.

Vers 1980, nous avions elle et moi à peu près le même âge
et pouvions nous croire éternelles.
Mais au cours des années suivantes,
ses bras furent plusieurs fois cassés et remontés...
quand on en retrouvait les restes.

En 2010, alors que je venais embrasser la dernière parente,
fort âgée et souffrante, qui m'appelait à revenir dans ma ville natale,
un autre chagrin me saisit devant le pitoyable état
de l'effigie de ma grand-mère. Il semblait annoncer sa fin."